Raser des forêts au nom du dérèglement climatique ?
Aussi paradoxal et aberrant que cela puisse paraître, c’est pourtant bien de cela qu’il s’agit dans ce livre passionnant, hyper documenté et aussi haletant qu’un polar : “Les marchands de soleil – Face à la machine photovoltaïque” de Clément Osé et Sylvie Bitterlin chez Tana Editions. Les faits sont bien réels, même si pour des raisons narratives, certains aspects ont été romancés. Cette histoire, vous l’avez peut-être suivie dans les journaux, se déroule dans les Alpes de Haute Provence en 2023. 17 hectares de forêt dans la montagne de Lure ont été rasées, au nom de la transition écologique afin d’y installer des panneaux solaires. Cette forêt classée réserve de biosphère par l’UNESCO, abritait 88 espèces pourtant protégées, dont les intérêts vitaux ont été balayés d’un revers de main afin de générer de très gros profits pour l’entreprise Québécoise qui a obtenu le marché et quelque petit revenu, des miettes en somme, pour la commune.
Pas d’avenir sans arbres
Avant même de rentrer dans les considérations de savoir si les panneaux photovoltaïques sont une vraie solution ou pas pour fournir l’énergie de demain, il est nécessaire de comprendre que les arbres nous fournissent non seulement notre oxygène, mais qu’ils sont la meilleure arme, la plus perfectionnée, contre le dérèglement climatique, qu’il s’agisse de réguler les températures en hausse, d’apporter de l’humidité lors des sécheresses, d’empêcher les inondations en drainant les pluies diluviennes vers les nappes phréatiques, de stocker le carbone et de servir d’hôtel et de restaurant à la faune sauvage, biodiversité dont notre vie et notre santé dépendent au premier chef, comme on l’a normalement compris pendant le COVID. Abattre une forêt pour y installer des panneaux solaires est une aberration écologique qui met notre avenir en péril.
Article L110-2 du Code de l’environnement
“…Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement, y compris nocturne. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences.”
L’histoire d’un combat
Comme nous le dit Clément Osé, il faut bien visualiser que ce combat contre la centrale solaire dans ce site classé est celui de “mamies contre des bulldozers”. Sur cette montagne, il y a des projets de centrales photovoltaïques sur 1000 à 1500 hectares, majoritairement sur des coupes rases de forêts méditerranéennes déjà sensibles au changement climatique et nous dit Clément Osé, qu’il faut absolument préserver pour servir d’amortisseur à ce dérèglement du climat. Ces projets s’expliquent économiquement car les développeurs cherchent de très grandes surfaces pour que ce soit le plus rentable possible, dans le contexte de la loi APER de mars 2023, qui vise à déployer massivement les énergies renouvelables sur le territoire Français, y compris en Touraine, dans les années à venir. Les maires des communes doivent définir des zones pour développer ces énergies. Les pressions se font alors sentir de toutes part et les petites communes, à l’instar des agriculteurs le plus souvent à la peine, y voient aussi une Source de revenus, même s’ils récoltent au final des miettes par rapport aux profits qu’en tirent les multinationales et leurs actionnaires. Lorsque ces projets se font sur des zones naturelles, cela soulève localement de la contestation comme raconté dans ce livre. En l’occurrence, il s’est avéré que les travaux entrepris sur les 17 hectares déboisés étaient illégaux, la multinationale n’ayant pas de dérogations pour toutes les espèces protégées sur ce site. Le temps de la Justice n’est pas le temps de la Nature.
Energie verte, renouvelable… ou greenwashing ?
L’énergie solaire, c’est renouvelable, c’est durable oui… mais qu’en est-il des panneaux ? Clément Osé décrypte pour nous dans ce livre cette transition écologique pas toujours verte, car fabriquer des panneaux photovoltaïques nécessite des matériaux qui sont en quantité finie sur terre, des destructions à l’autre bout de la Planète pour une durée de vie limitée de 30 ans environ. Même si les panneaux désertent alors le site, tassé et terrassé, il y a de fortes chances que la forêt ne repousse pas.
Il semblerait de plus, que ces énergies dîtes renouvelables ne remplacent pas les énergies fossile ou nucléaire mais s’y ajoutent pour répondre à une demande croissante d’énergie, alors même que nos modes de consommation devraient aller vers plus de sobriété.
Synopsis
“Montagne de Lure, Alpes-de-Haute-Provence, septembre 2023. Sylvie Bitterlin, 60 ans, fait la funambule sur le bras mécanique d’un engin de chantier. Elle cherche à retarder les travaux d’une centrale photovoltaïque sur un site qui, jusqu’à récemment, était une forêt. Quelles raisons la poussent à agir ? Un récit à deux voix, sensible, documenté et politique sur le photovoltaïque dans les espaces naturels et agricoles, à travers une immersion dans la lutte contre le photovoltaïque dans les forêts de la montagne de Lure (04). Ce livre adopte les codes du roman (littérature du réel) pour raconter une histoire vraie. A deux voix, celle de Clément Osé, tantôt subjective et à la première personne, tantôt comme observateur et à la troisième personne, et celle de Sylvie Bitterlin, protagoniste principale. Son objectif est de poser un regard critique et documenté sur l’énergie, notamment renouvelable et l’activisme écologiste ; de rouvrir le débat politique, trop souvent confisqué par des considérations techniques ; et de suggérer des alternatives compatibles avec le désir de garder notre Terre vivante et habitable.”
Les marchands de soleil
“Les marchands de soleil – Face à la machine photovoltaïque” est le 3ème livre de Clément Osé. Co-écrit avec Sylvie Bitterlin, il est sorti le 7 novembre dernier chez Tana Editions.