Que serait la vie sans eux ? Un éternel dimanche après-midi, vide en diable, ou plutôt sans diable, blet et triste. Disons la chose : sans les super méchants, les grands vilains de cinéma avec qui l’on joue à se faire peur, grâce à qui “terrorise” rime avec “friandise”, il nous manquerait le grain de sel, la goutte de fiel qui fait déborder le vase de notre psyché trop sage. Et c’est tout l’intérêt du livre de Julien Magalhães, paru aux éditions Hoëbeke de nous en offrir un guide érudit et imaginatif, le Baedeker des “Vilains” et des “Vilaines”, le Who’s who des Pervers majuscule, le Bottin de bourreaux et des bourrelles.
20, tel sera le nombre des membres de ce club très fermé. 20 faciès, 20 coupes de cheveux, 20 dégaines, 20 manières d’occire qui se divisent en 4 catégories : les “moches” et les “beaux”, les “queers” et les “monstres”. À tout seigneur, tout honneur, le baron Harkonnen de la version Villeneuve de Dune ouvre le bal des “moches” : montagne de chair flasque piquée de deux plombs de chasse en guise de regard, un méga goinfre inspiré du glouton aristocratique et du Caligula romain. Lui sert de cavalière Annie Wilkes, la lectrice au marteau du film de Rob Reiner d’après Misery de Stephen King, joué par une Kathy Bates dont la barrette et le chemisier boutonné à mort posent question, et le crucifix pectoral témoigne d’un luisant inquiétant.
Castafiores de la vilenie
Dans un style plus baroque et enjoué, se joint ensuite au groupe Immortan Joe, le méga vilain de Mad Max Fury road, sous perfusion H24 de méchanceté véloce et puissance sans partage. Parachève le quadrille le Zorg du Quatrième élément de Luc Besson, avec sa raie sur le mauvais, très mauvais côté, sa mèche hitlérienne en lame de faux et ce regard de qui s’intéresse de près à votre malheur qu’il prend en charge. La maison étant bonne fille, on vous offre en complément la Bellatrix Lestrange d’Harry Potter à qui l’auteur trouve un air de famille prononcé avec les gardiennes de camps, prima donna de l’enfer concentrationnaire.
C’est d’ailleurs un des aspects les plus percutants de cet ouvrage d’aller fouiller dans l’ADN historique de toutes ces créatures au demeurant fictives. On voit ainsi qu’à la racine de nos cauchemars pour rire ou pour sourire, et c’est qui fait leur charme, se tiennent d’historiques malfaisants, d’authentiques nocifs qui reviennent nous hanter et persister dans une malignité validée par les faits. Une fois le livre de Julien Magalhaes refermé, les faciès exposés dans Vilains, Vilaines qui vous entêtent, persistent à sonner à votre porte, ne sont évidemment pas ceux qui affichent une débauche de hideur baroque et de démesure faciale, les Pères Noël ou les Castafiore de la vilenie. Mais les Madame Tout-le-monde et les voisins de palier comme le Patrick Bateman d’American Psycho, Annie Wilkes ou bien sûr ce grand garçon en pull, dégingandé et anxieux, soucieux de maman et disponible pour le client, le Norman Bates de Psychose. Mortel motel, ouvert toute l’année.
- Julien Magalhães, Vilains, vilaines. Les figures du mal au cinéma, Hoëbeke (sortie le 7 novembre)
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