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La mia amica Procrastinate, principessa di Notnow

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Cher Ali, je voudrais vous présenter une vieille, très vieille amie dont le nom sonne comme une princesse du Moyen-âge : Procrastine. Aujourd’hui elle est jetée aux lions dans l’arène de la productivité, on lui fait mille et un procès en sorcellerie, on lui prête tous les vices. Et je suis ici pour la défendre car elle m’a toujours soutenue.

Le devoir de Français ou de philo que nous donnait la prof ? J’avais quinze jours pour le faire mais je m’y mettais la veille, le dimanche soir pour le lundi matin, et c’est fou comme, dans l’urgence, j’étais inspirée. Pas le temps de trop réfléchir, de me perdre dans des dizaines de brouillons : les mots coulaient. Car ils étaient là, bien sûr, en vrac quelque part dans ma tête depuis quinze jours, vexés que je les y laisse fleurir, et presque déjà moisir. Ils attendaient que j’ouvre la porte et les voilà qui se répandaient sur le papier, tout frétillants d’être sauvés. Grâce à ce premier enseignement de Procrastine, c’est comme cela que j’ai tout écrit dans ma vie : les lettres de rupture – mes ex m’ont à chaque fois mis de très bonnes notes !-, mes articles de journaliste et mes chroniques du vendredi ! Je ne vous demande pas évidemment de dire, là, maintenant, qu’en effet, elles sont incroyablement géniales grâce à Procrastine, mais une chose est sûre : depuis des années, je ne suis pas malade ou je m’empêche de l’être le jeudi soir pour les écrire à l’arrache, et je suis donc toujours présente le vendredi matin.

Ali : Votre copine Procrastine vous fait prendre des risques !

Certes, mais non seulement c’est excitant, mais cela me permet, aussi, de beaucoup glander et rêver, entre deux prises de risques ! La procrastination viendrait de la peur de l’échec. J’espère bien ! D’abord, je ne suis pas sûre de beaucoup aimer ceux qui sont toujours convaincus de réussir. Ceux qui se lancent au dernier moment se retrouvent simplement obligés de ne pas prendre en compte l’échec. Vous me direz « et la gestion du temps, alors ? ». Ah je l’attendais, celle-là ! Justement : le temps, Procrastine, ne le gère pas, elle le méprise, le tord dans tous les sens, l’éparpille façon puzzle.

C’est comme pour les vacances : on peut prévoir en décembre 2024 où l’on ira bronzer en août 2025. Comme ça, soit disant, on est tranquille. Mais quelle horreur de savoir ce que l’on fera dans six mois ! Soit disant, aussi, qu’on paye moins en achetant des billets très à l’avance. Mouais… on paye encore moins en last minute sans risquer d’avoir réservé dans un endroit qui, en six mois, ou en une élection, a perdu tout son attrait.

Il paraît que 69 % des Français procrastinent par manque de motivation. C’est sûr que le monde actuel est vachement motivant non ? Remettre à demain, d’une certaine manière, c’est croire que demain sera vraiment un autre jour, que l’écologie aura porté ses fruits, que la démocratie sera au top, que votre mec sera moins chiant, que votre patron, enfin, vous écoutera. Que la cave que vous devez absolument ranger, ben peut-être que demain, de toute manière, elle sera inondée, alors vous voyez l’intérêt… Le meilleur conseil que m’a donné Procrastine ? Remettre le chagrin à demain. Et encore à demain. Et si votre ardoise magique efface comme il faut, peut-être que vous oublierez d’être triste.

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