Qui veut devenir premier ministre ? La place sera peut-être bientôt libre. La tâche est difficile, le bail est précaire. Mais sachez une chose : quand vous quitterez Matignon, l’Etat financera votre activité. Pas si vous êtes élu local, parlementaire, ou si vous exercez toujours une fonction publique… mais dans tous les autres cas, oui. Si vous le demandez, vous aurez un secrétariat, une voiture, un chauffeur. Et ce, pendant des années. Savez-vous combien tout cela a coûté en 2023 ? Plus d’1,4 million d’euros, soit 11% de plus qu’en 2022. Pour Michel Barnier, c’est beaucoup trop. Le chef du gouvernement demande à ses prédécesseurs de faire un “effort”. L’État cherche des économies.
L’an dernier, onze premiers ministres ont profité de ce système, en toute légalité. Le site Politico a publié ces dépenses. Il s’appuie sur le travail d’une députée, Marie-Christine Dalloz, députée du Jura, du groupe de la Droite républicaine, rapporteur spécial de la commission des finances. Elle réclame une réforme. Ces données, disponibles ici, sont publiques. Il est bon qu’elles le soient.
Les plus dépensiers, Bernard Cazeneuve et Dominique de Villepin
Qui a coûté le moins cher l’an dernier ? Jean Castex, aujourd’hui PDG de la RATP : 3607 euros. Et qui a coûté le plus cher à la collectivité ? Deux ex-aequo, ou presque : Bernard Cazeneuve et Dominique de Villepin. L’ancien premier ministre socialiste a passé environ cinq mois à Matignon. Il a quitté ses fonctions il y a sept ans. Aujourd’hui, il est avocat d’affaires. L’an dernier, ses dépenses ont atteint 201 837 euros, en baisse par rapport à 2022. Presque au même niveau, Dominique de Villepin, donc : 197 540 euros. L’ancien chiraquien est à la tête d’une société de conseil, dix-sept ans après avoir quitté Matignon.
D’un ancien premier ministre à l’autre, les sommes sont très variables : de Lionel Jospin (162 000 euros, environ) à Jean-Pierre Raffarin (167 000 euros), à Alain Juppé (83 000 euros), sans oublier François Fillon, pourfendeur d’un État trop dépensier. Pour lui, l’an dernier, c’était 126 000 euros. On peut remonter encore beaucoup plus loin dans le temps : Edouard Balladur profite de ces avantages, comme Édith Cresson, première ministre en 1991 !
Des exceptions ? Edouard Philippe et Laurent Fabius, qui occupent toujours des fonctions publiques. Ou Gabriel Attal et Elisabeth Borne, pas concernés encore l’an dernier – on verra pour la suite. Une précision importante, encore : dans ces dépenses, on ne compte pas les frais de sécurité. Quand le ministère de l’Intérieur estime qu’une menace pèse toujours sur ces anciens dirigeants et qu’il faut les protéger avec un officier de sécurité.
Des limites… encore limitées
Des limites ont été posées. En 2019, au moment des Gilets jaunes, Edouard Philippe a pris un décret : les avantages sont maintenant limités à dix ans, avec un âge limite, là aussi : 67 ans. Mais cela ne vaut que pour les frais de secrétariat. Vous pouvez garder la voiture et le chauffeur !
Et si vous étiez à Matignon avant le décret, vous n’êtes pas concerné. Il y a encore de la marge, donc, et au vu de l’instabilité politique, si on doit changer de premiers ministres tous les trois mois, ça pourrait vite coûter beaucoup plus cher encore. Il est urgent de changer les règles !
En coulisses, déjà, certains politiques crient à la démagogie. La démocratie, c’est vrai, a un coût. Mais encore une fois, il faut regarder le contexte. Nous sommes en plein débat budgétaire, avec des mesures qui concernent tous les Français : par exemple, les médicaments vont coûter plus cher. En face, comment justifier des dépenses aussi élevées pour d’anciens dirigeants ? Sans parler des ex-présidents de la République, qui disposent de moyens plus importants encore. L’an dernier, Nicolas Sarkozy a dépensé plus de 700 000 euros. François Hollande, près de 600 000 euros.
Dans le nord de l’Europe, notre système paraîtrait stupéfiant. Il a quelque chose de monarchique. Comme si le pouvoir, au plus haut niveau, conférait des avantages pour toute la vie. Question financière, pour la collectivité, mais problème de symbole, surtout, comme sur d’autres sujets – symbole désastreux. Pas besoin d’attendre de nouvelles règles, un nouveau décret. Ces avantages, les anciens dirigeants peuvent y renoncer, au moins en partie, dès maintenant, s’ils le veulent. Ça ne tient qu’à eux. Y sont-ils prêts ?
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