Qu’il est difficile d’avoir des principes, et surtout, qu’il est difficile de s’y tenir ! C’est un communiqué du Quai d’Orsay qui a semé le trouble hier, concernant les mandats d’arrêt lancés par la Cour pénale internationale (CPI) contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant.
Le ministère des Affaires étrangères rappelle que la France défend le droit international ; mais il ajoute qu’en fait, Benyamin Netanyahou bénéficie d’une immunité en tant que chef d’un gouvernement d’un pays non-signataire du traité de Rome instituant la CPI. Et le communiqué de préciser : « De telles immunités s’appliquent au Premier ministre Netanyahou et aux autres ministres concernés et devront être prises en considération si la CPI devait nous demander leur arrestation et remise ». En clair, si le premier ministre israélien arrive à Paris, il ne sera pas arrêté… Le même principe s’applique évidemment à Vladimir Poutine, ciblé par un mandat d’arrêt de la CPI l’an dernier.
Cette prise de position a suscité un vif émoi, notamment auprès des défenseurs des droits humains, provoquant de gros efforts d’explication français dans la journée d’hier.
Côté gouvernemental, on défend une ligne purement juridique. On note l’injonction contradictoire : la CPI demande à la fois qu’on défende le droit, et elle prévoit ce cas d’immunité pour les non-signataires du traité ; une prime à ceux qui ne veulent pas de la justice internationale.
Car si 124 États ont signé le traité de Rome qui institue la CPI, d’autres ont refusé, parmi lesquels Israël, mais aussi les États-Unis, la Russie, la Chine… On est loin de l’universalité.
Le problème est qu’on se trompe si on n’a qu’une lecture juridique de cette affaire : elle est éminemment politique. C’est le prix à payer pour rester dans la boucle du règlement de la crise libanaise annoncé mardi soir. Aucun officiel français ne l’admettra, mais la coïncidence ne laisse pas beaucoup de doute.
La France est certes parfaitement légitime sur le Liban, et pendant longtemps elle a même été un peu seule. Mais les relations politiques entre Paris et Benyamin Netanyahou se sont brutalement dégradées ces dernières semaines, après quelques petites phrases d’Emmanuel Macron, notamment son emploi du mot « barbarie » pour parler de l’action de l’armée israélienne.
La première prise de position française après les mandats d’arrêt, se bornant à rappeler le soutien au droit international, a rendu furieux le premier ministre israélien. Joe Biden aurait même appelé Emmanuel Macron pour lui faire part de la colère de Netanyahou, car Israël a voulu un temps écarter la France du Comité de surveillance du cessez-le-feu.
A l’arrivée, l’accord au Liban a été annoncé dans un communiqué commun des présidents américain et français, mais Netanyahou n’a jamais cité la France dans sa communication.
Quelques heures plus tard, ce communiqué du Quai d’Orsay désamorce la colère israélienne, mais crée de l’incompréhension. L’ONG Human Rights Watch parle d’une déclaration « profondément choquante » ; une diplomate européenne m’a parlé d’une « triste journée pour le droit international ».
Même si c’est une lecture juridique argumentée et un recul destiné à faciliter un accord au Liban, la position de Paris est un mauvais coup porté à la justice internationale. Netanyahou et Poutine, les deux cibles les plus illustres de la CPI, ne peuvent que s’en réjouir.
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