Après des mois de tergiversations, le Rassemblement National a finalement décidé de renverser le gouvernement en votant la motion de censure déposée par la gauche. Quelles peuvent être les conséquences d’une telle décision ? Que cherche le RN ? Luc Rouban et Safia Dahani proposent leurs analyses.
“Le retour au rapport de force”
Après la dissolution, la fragmentation politique de l’Assemblée nationale et la longue séquence d’hésitations qui s’est ensuivi, Luc Rouban montre que la très probable chute du gouvernement Barnier sonne le glas “des illusions qu’on avait pu émettre sur un parlementarisme renouvelé, sur la capacité de créer des coalitions solides, sur l’idée que la Vᵉ République allait basculer sur un nouveau mode plus parlementaire, moins présidentiel”. Il voit donc dans le vote de la motion de censure l’échec de cette vision d’un parlementarisme comme solution à la crise démocratique française. “Si le modèle parlementaire de constitution de coalitions et de compromis ne fonctionne pas, on retourne vite au rapport de force”, constate-t-il. Selon lui, Marine Le Pen a voulu rappeler qu’elle était en position de force et qu’elle bénéficiait d’une dynamique électorale “pas encore absorbée par une droite orléaniste”, comme le dit la dirigeante du RN elle-même.
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Le RN pris en étau entre les différentes composantes de son électorat
La stratégie du RN ne cesse pas d’interroger. Le parti s’est retrouvé en position d’arbitre du jeu politique et d’arbitre de la stabilité du gouvernement. Safia Dahani explique que cette position ne tient pas seulement aux résultats électoraux du parti et aux agissements de Marine Le Pen, mais également à la volonté du gouvernement de se tourner vers l’extrême-droite plutôt que vers la gauche pour tenter de stabiliser son pouvoir. Elle dit aussi un mot du contexte dans lequel se situe le RN : le procès en cours de Marine Le Pen pourrait permettre de comprendre le vote d’une mission de censure dans l’optique de mettre la pression sur le président de la République et de le pousser à la démission.
Il semble surtout à ses yeux que le RN est pris en étau entre deux composantes de son électorat. L’un se situe plutôt dans la perspective d’un parti d’opposition, poussant le parti de Marine Le Pen à la censure. L’autre est au contraire un électorat qui voit d’un bon œil le vote des lois du gouvernement, l’accompagnement de la politique des différents gouvernements sous les quinquennats d’Emmanuel Macron et la participation à la stabilité des différents gouvernements, éclaire-t-elle.
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Quels effets sur l’électorat du RN ?
Toutefois, Safia Dahani relativise les effets que pourraient avoir le vote d’une motion de censure sur les opinions des électeurs du RN. Elle rappelle que “le rapport au vote et le rapport au politique s’enracinent dans des expériences du quotidien et se travaillent sur le temps très long. Elle ajoute : j’ai du mal à savoir quels effets ce contexte-là pourra avoir sur des élections futures. Je ne suis pas certaine que les crises politiques, ce qui se joue dans les sphères politiques dominantes, aient un effet important sur l’ensemble des électorats de ce parti-là”. Elle tempère donc la portée des décisions des députés du RN sur leurs électeurs, d’autant plus qu’avec la rapidité de l’agenda politique, “un évènement pourrait, d’ici aux prochaines élections, remplacer cette actualité autour de la motion de censure et la fin du gouvernement Barnier”.
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