La gauche est unie, pour quelques heures ou quelques jours, le temps de renverser le gouvernement, avec le soutien du Rassemblement national. Restons prudents, mais c’est bien, pour l’instant, le scénario le plus probable : une chute du gouvernement Barnier, demain ou après-demain.
Et ensuite ? Immense point d’interrogation. Emmanuel Macron devra nommer un premier ministre. Qui ? En théorie, tout est possible. Le chef de l’État peut même maintenir Michel Barnier. Et s’il se rappelait le résultat des Législatives ? S’il se tournait vers la gauche, arrivée en tête ? L’été dernier, Emmanuel Macron a refusé de le faire. Au nom de la stabilité, il a préféré un premier ministre de droite, qui a négocié avec le RN. On a vu la suite.
La gauche, donc, hypothèse logique, mais très compliquée. La gauche explique qu’elle veut gouverner. Avec qui, et comment ? Avec quel soutien ? Pour obtenir une majorité, il lui manque toujours une centaine de députés. Cette réalité arithmétique, politique, est incontournable.
Que propose la gauche, donc ? Un plan A et un plan B.
Deux stratégies opposées
Le Plan A est celui de Jean-Luc Mélenchon, le même que l’été dernier : un gouvernement du Nouveau Front populaire pour appliquer le programme du Nouveau Front populaire, en discutant texte par texte avec les autres groupes. Le Plan B ? Celui des socialistes, depuis quelques jours : un gouvernement de gauche, mais sur la base d’un accord avec d’autres partis, ceux du bloc central, y compris les macronistes. Un pacte de non-agression, un accord de non-censure, pour assurer un minimum de stabilité, en attendant les prochaines élections.
Cette idée-là, un élu l’avait déjà défendue l’été dernier, sans succès à l’époque : Raphaël Glucksmann. C’était dans une interview au Point : “La gauche doit discuter avec les différents partis politiques qui ont participé au front républicain”. Pour lui, un gouvernement plus large est le seul moyen de bloquer le Rassemblement national. Cette idée, il l’a toujours. Si le gouvernement tombe, il la remettra sur le tapis.
Une alliance très floue
Qui soutiendrait ce plan B ? C’est très flou encore. Chez les macronistes, qui serait prêt à soutenir un gouvernement de gauche, ou de centre-gauche ? Ou au moins, à ne pas le censurer ? Difficile à dire. En revanche, je peux déjà vous dire qui refuse cette hypothèse : Jean-Luc Mélenchon. Pour le leader insoumis, un compromis vaudrait compromission. Pas question de dialoguer avec le bloc central.
Deux visions, deux stratégies et un affrontement brutal, à gauche, autour de ces deux lignes : d’un côté, les sociaux-démocrates, à commencer par Raphaël Glucksmann qui essaie de faire fructifier son succès des Européennes ; de l’autre, Jean-Luc Mélenchon, l’homme des 22% à la dernière Présidentielle. Pour lui, pas de plan B, mais un plan P.
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P comme Présidentielle
La Présidentielle – ce plan P – ils y pensent tous, bien sûr, à gauche. Mais pour Jean-Luc Mélenchon, c’est la seule chose qui compte beaucoup plus que le gouvernement. Le triple candidat se positionne pour la prochaine élection, en espérant qu’elle aura lieu plus tôt que prévu, en poussant Emmanuel Macron à démissionner, en créant un choc politique.
L’avez-vous entendu le week-end dernier ? Jean-Luc Mélenchon ne s’attarde pas sur la crise gouvernementale. Il anticipe l’étape suivante : la bataille pour l’Elysée. À la gauche, Jean-Luc Mélenchon propose une candidature commune, mais à ses conditions. Et à la France insoumise, personne ne fait semblant : le candidat, ce doit être lui. L’insoumis rêve toujours d’affronter Marine Le Pen, convaincu qu’il pourra la battre. Sa stratégie est là.
Dans la pagaille générale, la pagaille politique autour de cette censure, la gauche joue gros. Pas seulement sa participation à un gouvernement ; pas non plus la survie du Nouveau Front populaire – il est déjà mort. La suite est en jeu. Face au RN, l’existence même de la gauche. Sa capacité à s’imposer, seule ou bien avec d’autres. Il y a des choix à faire et ils pèseront lourds.
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