La solitude, au-delà d’une punition ou d’une souffrance s’abattant sur l’homme, peut aussi être parfois une solitude choisie, une mise à l’écart volontaire du monde. L’ascétisme demeure même l’un des critères fondamentaux des doctrines religieuses en quête d’un enrichissement spirituel. C’est le cas de l’Ordre catholique des Cisterciens. En 1983, Régis Labourdette consacre pour “Les chemins de la connaissance” sur France Culture une série “Images de la solitude volontaire”. Dans ce quatrième épisode, l’historien Georges Duby nous emmène au Moyen Âge dans le monde silencieux des Cisterciens, une vie monastique méditative s’agrégeant autour d’une théologie mystique inspirée des textes de Saint Augustin, Saint Grégoire le Grand et surtout Bernard de Clairvaux. Une solitude comme une épreuve de la foi pour accéder à une forme de jubilation lumineuse et sacrée.
Une vie silencieuse à l’écart du monde
“Je ne crois pas que l’éloignement au sens chronologique, historique, idéologique ou culturel du terme, soit une qualité négative qui empêcherait de comprendre, qui bloquerait la communication. Au contraire, je pense que si on l’utilise bien, la notion d’éloignement se risquerait d’être fort productive et d’apporter un certain nombre d’enseignements. Quand je pense à la solitude volontaire heureuse au 12e siècle, j’ai l’image d’un monastère cistercien, d’une église cistercienne, un lieu un peu perdu dans la sauvagerie loin des voies de communication” introduit le producteur Régis Labourdette.
L’historien Georges Duby nous fait découvrir la vie austère et silencieuse des moines cisterciens, un ordre se situant dans un grand mouvement spirituel débutant avant le début du 12e siècle, visant à une rénovation de la vie religieuse. Une vie monastique basée sur la communauté, le retrait du monde et le silence. Les moines vivent ensemble pour dormir, manger, travailler; la prière, collective, s’exprime par un chant à l’unisson. Chacun doit préserver autour de soi son petit désert, par le silence le moine tente de s’approcher d’une perfection suprême. Pour Saint Bernard de Clairvaux, réformateur cistercien, “le moine ne doit pas parler, il doit pleurer les péchés du monde. Sa vocation est de souffrir pour les autres, et en assurant son salut par les privations qu’il s’impose, il contribue au salut général de l’humanité.”
L’architecture cistercienne : rectitude des formes et sobriété de l’ornementation
La vie austère des moines cisterciens trouve son équivalence dans l’architecture cistercienne, dénudée et débarrassée de toute suggestion figurative. Le dépouillement du bâtiment et son absence d’ornementation ont pour but “d’expulser tout danger de divertissements. L’âme, l’esprit de celui qui s’est retiré, ne doit pas être sollicité par des formes du monde qu’il a quitté. Car le but du retrait est d’entrer en communication personnelle avec le Divin“. Georges Duby explique quelques particularités de l’architecture cistercienne : l’arc-doubleau, la brisure entre le sol et la voûte, la rosace, l’idée de rectitude et le goût pour l’angle droit qui corrige et rééquilibre la volupté de la courbe.
- Production : Régis Labourdette
- Avec Georges Duby (historien, universitaire et médiéviste)
- Les chemins de la connaissance – Images de la solitude volontaire, 4ème partie : Les cisterciens ou le rejet du monde (1ère diffusion : 24/02/1983 France Culture)
- Edition web : Amélie Potier, Documentation de Radio France
- Archive Ina-Radio France
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