Dans nos cultures, le loup est une figure ambivalente. C’est un animal qu’on redoute ; mais en même temps, ça reste un animal qui nous fascine…Cette dualité, elle a marqué notre langue en profondeur. La preuve : le français regorge d’expressions qui font référence au loup. On n’en compte pas moins d’une centaine au total…et le chiffre grimpe encore quand on prend en compte les formules qui sont propres à certaines régions.
Une des principales caractéristiques du loup, c’est qu’il est souvent associé à la*gourmandise*. Alors quand je dis gourmandise, ça peut s’interpréter d’au moins deux façons. D’abord, il y a bien sûr, la dimension alimentaire, avec des expressions qui évoquent la voracité presque instinctive de l’animal : « manger comme un loup » ou «avoir une faim de loup», notamment. Ensuite, cette gourmandise peut également s’exprimer de manière plus…on va dire «intime». C’est ce que suggèrent des formules du genre : « avoir vu le loup », qui fait référence à la perte de virginité ; ou « gourmande comme une louve », qui s’emploie pour qualifier une personne avec un fort appétit sexuel.
Mais le loup ne serait-il pas aussi un symbole de force ou d’organisation ?
Et c’est ce qui rend cet animal tellement emblématique! Si je vous dis jamai pèl de craba n’escanèt pas lolop, vous comprendrez peut-être qu’en provençal–oui j’avoue, j’ai un accent à couper au couteau,–en provençal donc, il existe un proverbe qui signifie « jamais poil de chèvre n’a étranglé le loup »… En bref, il n’y a pas d’obstacle pour qui est déterminé dans son entreprise.
En plus de symboliser la force, le loup incarne aussi une certaine forme d’intelligence collective et d’organisation. Une expression bien connue fait directement référence à cet aspect : «marcher à la queue leu leu». Dans la nature, les loups avancent souvent en file, les uns derrière les autres. Ça leur permet de rester discrets quand ils suivent une piste. Mais quel rapport entre « le loup » et « la queue leu leu » vous allez me dire ? Et bien sachez qu’en picard, le dialecte qu’on parle dans le nord de la France, « loup » se dit leu, exactement comme en ancien français..
Et de nouvelles expressions liées au loup continuent de voir le jour…
Le mot loup, en raison de la puissance symbolique qu’il incarne, demeure un terme parfaitement vivant et productif de nos jours. Récemment, cette figure animale a même franchi les frontières de la langue courante pour s’inviter sur la scène politique. Souvenez-vous : en octobre 2011, Martine Aubry est invitée à donner son avis sur le programme électoral de François Hollande. Non sans une touche d’humour et de finesse, elle lance alors cette formule, devenue célèbre : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. » Avec cette déclaration, l’ancienne maire de Lille dénonçait une situation ambiguë, qui laissait entendre que l’opacité pouvait dissimuler des enjeux cachés ou des intentions douteuses. Telle une menace sourde, la référence au loup incite à se méfier de l’invisible, rappelant que, en politique comme ailleurs, les apparences sont souvent trompeuses.