Dire qu’il y a de quoi être sceptique serait un euphémisme. Depuis 2022, il y a tellement eu de rendez-vous de la dernière chance, pilotés par l’Elysée, à grands renforts de communication, qui ont fait pschitt ou presque, qu’on a du mal à imaginer la sortie rapide du tunnel !
Rafraichissez-nous la mémoire…
On connaît la créativité managériale du Président !
Les réunions en format CNR, pour “conseil national de la refondation”, censées baliser l’action du gouvernement Borne, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pareil pour les réunions en format “Saint-Denis”, à la rentrée 2023 (où le RN et Jordan Bardella avaient toute leur place, contrairement à aujourd’hui), qu’est-ce que ça a débloqué ?
L’intention était bonne : embarquer les oppositions dans la soute, dans les cuisines de l’exécutif, pour qu’elle se disent : et si moi j’étais aux manettes, je ferais comment ? Problème : la crainte d’être instrumentalisé par Emmanuel Macron…
Vous voulez dire que les partis se parlent plus facilement sans lui, en terrain neutre ?
Même pas ! Pendant les JO, cet été, chaque camp ou presque a écrit son pacte d’action, sa plateforme idéal, mais à sens unique, en monologue, sans chercher à répondre ou à prendre la main tendue par son voisin ! Alors que c’est ce à quoi le Président exhortait les partis, au lendemain des législatives, dans sa lettre aux Français.
Alors, là, six mois après, qu’est-ce qui a changé ?
La censure… Une crise politique inédite sous la 5ème République, qui met chacun face à ses responsabilités. Il va bien falloir un budget pour faire tourner le pays. Qui, hors LFI et RN, a intérêt au chaos ?
C’est tout l’intérêt de la réunion qui vient de se tenir, qui préfigure peut-être un nouveau rapport à la culture du compromis, toujours vu comme une compromission au pays de feu la majorité absolue.
Car il y a un avant et un après censure pour le PS, désormais décidé à faire fructifier sa position d’arbitre. Et si le PS bouge, alors il y a un avant et un après pour Emmanuel Macron, qui ne regarde plus si Marine Le Pen met le pouce en haut ou en bas.
Mais elle est conclusive, ou non, cette réunion, et conclusive de quoi ?
Je comprends votre impatience et votre perplexité. Mais retenez qu’aujourd’hui, c’était le “contrat de méthode”, se mettre d’accord sur le “comment”. Pas le “qui” pour Matignon (pas encore) ni le “quoi”. Non, juste le mode d’emploi du vivre ensemble. Un engagement réciproque à ne plus utiliser le 49.3 et donc, en échange, à ne plus censurer. Pendant un certain temps. Désarmement réciproque pour donner un minimum de stabilité.
D’accord, mais le quoi ?
Ce n’était pas l’ordre du jour ! Et pourtant, ça va être fondamental. Mais ça, le “quoi”, il va se définir avec le “qui” !
D’où la nouvelle réunion qui se tiendra demain ou jeudi, sans Emmanuel Macron, mais avec le Premier ministre qui sera bientôt nommé.
A l’Elysée, on insiste sur le fait que l’étiquette politique du futur chef du gouvernement importe peu, puisqu’il sera tenu par les “deals” et les “lignes rouges”, qu’il va falloir négocier.
Je vous donne exemple : pour que le PS accepte, a minima, sans participer au gouvernement, de ne plus censurer, il faut qu’il obtienne du lourd ! Le gel de la réforme des retraites jusqu’en 2027 ? Dans ce cas, il faudra peut-être concéder un projet de loi durci sur l’immigration. Ligne rouge ? Ce ne sont que des hypothèses puisque c’est la page qui va sans doute s’écrire à partir de demain.
Donc, pour répondre à votre question : ce n’est pas la dernière réunion, ce n’est pas, comme par miracle, la fin de la crise politique. Mais c’est déjà une accalmie.
Chacun calcule ses gains et ses pertes, intérêt bien compris.
Emmanuel Macron doit gagner du temps, se sortir de la nasse de l’appel à sa démission. L’enjeu pour le PS ? Se recrédibiliser. Pour les communistes ? Se détacher encore plus de LFI (et Fabien Roussel, qui n’est plus député, n’a plus rien à perdre). Les Républicains ? Cultiver cette image de sérieux, continuer à gouverner, après avoir été sur la touche pendant 12 ans ! Et le bloc central ? Bouger pour rester vivant après avoir subi la dissolution.
Cette réunion accouche d’un début de consensus sur la forme… Reste à définir le fond, quels textes sont tabous pour qui : c’est le plus dur, et ce sera la tâche d’un Premier ministre, à qui Emmanuel Macron va passer le relais, sous 48 heures.