Ce quartier était inaccessible depuis six ans, aucun Syrien, aucun journaliste n’a pu venir ici pour mesurer l’ampleur des dégâts. On commencent tout juste à y déblayer les routes. C’est la première fois que Samira revient chez elle : elle se ballade entre les ruines avec son téléphone portable. “Je filme parce que nous sommes des habitants de Jobar, et ce quartier nous manque. Nous voulons documenter ce qui s’est passé ici, et ce que régime corrompu nous a fait.”
Ici tout est détruit : sur des centaines de mètres, il n’y a absolument plus rien, pas un bâtiment ne tient debout. Or en 2018, après les massacres au gaz sarin, après que les révolutionnaires et les jihadistes sont partis, il y avait encore un peu vie ici, nous dit Myriam. “À ce moment-là, je tenais mon téléphone et je voulais tout filmer. Un soldat m’a vue, il a pris mon téléphone, a tout effacé et m’a dit : ‘ne refais plus jamais ça !'”
“En 2018, les bâtiments étaient là, et tout a été détruit. On pouvait rentrer chez nous, nos maisons étaient en bon état, et là, ils ont soudainement tout fermé. Aujourd’hui, on découvre qu’ils ont tout détruit et tout volé.”
Selon ces habitants, Bachar al-Assad a suivi un plan méthodique : il a voulu rayer de la carte ce quartier et décimer ses habitants, qui ont lancé la révolution en 2011.
Des jours de torture d’affilée en prison
Une méthode d’élimination, d’éradication qui s’applique également dans la façon de traiter les prisonniers, comme on a pu le constater dans un quartier juste en face, à Zamalka. Là encore, des bâtiments éventrés, des centaines d’immeubles dévastés… Mais pas comme Jobar, ici le quartier n’a pas été totalement éradiqué.
On y fête le retour de ceux qui ont été emprisonnés, en tirant des coups de feu. Parmi ces survivants, Mohammed Imad Aldin Alzawoui, 31 ans. Il revient de l’enfer, a évidemment du mal à communiquer, et même à être approché par d’autres humains. Il nous décrit ce qu’on lui a infligé : “Ils me mettaient les mains derrière mon dos, ils les attachaient, et après ils me suspendaient au plafond. Ils me laissaient comme ça pendant deux ou trois heures. Je perdais conscience et ils prenaient de l’eau pour me réveiller. Puis ils me remettaient au sol pour me frapper, me torturer, avant de m’accrocher à nouveau au plafond. Et ça durait comme ça pendant plusieurs jours.”
Mohammed décrit d’autres tortures, tout aussi violentes pernicieuses, cruelles. Il ne sait pas combien ils étaient en prison. L’organisation était telle que chaque groupe de 20 ou 30 personnes restait isolé du reste.
Des méthodes appliquées avec une échelle et un sadisme rares
À côté de lui, il y a un homme âgé qui veut nous raconter son histoire. Il a 74 ans, ses deux fils ont été arrêtés et emprisonnés. Il les considère comme mort, a essayé en vain d’en savoir plus, mais les services du régime n’ont donné aucune nouvelle. “Je ne sais pas qui ils étaient, ni d’où ils venaient, mais ils prenaient de l’argent ou des meubles en promettant de me donner des nouvelles de mes fils. Mais je n’ai jamais rien su…”
Le régime a joué avec les émotions de cet homme. Et à travers ces différents témoignages et les nombreuses données récoltés ces dernières heures, il semble qu’il a pratiqué ces méthodes d’extermination et de soumission à une échelle et un sadisme rarement constatés dans l’Histoire.
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