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Anne Consigny, attrice: “Per conoscere veramente un libro, bisognerebbe impararlo a memoria”

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Quarante ans après sa consécration au prix Goncourt, L’Amant reste l’un des grands classiques de la littérature française du XXᵉ siècle. Mais ce que nombreux ignorent, c’est que ce roman ne surgit pas complètement de nulle part. En réalité, il prend sa Source 34 ans plus tôt, dans l’un des tout premiers romans phare de Marguerite Duras, Barrage contre le Pacifique, un récit profondément biographique issu de son enfance passée en Indochine, de la concession achetée par sa mère et de sa lutte ensuite contre l’administration coloniale corrompue.

Après l’avoir déjà jouée pour sa création à l’Off d’Avignon en 2022, la comédienne Anne Consigny remonte sur les planches pour présenter son adaptation du Barrage contre le Pacifique. Portée par l’atmosphère intimiste de la petite salle du studio Herbetot, elle incarne avec beaucoup de grâce et de tendresse l’atmosphère de l’Indochine durassienne dans laquelle “La mère” et ses deux enfants se battent la tête haute contre les vagues, l’administration coloniale, la misère, contre le destin et ce quitte à en devenir fou.

Et si nous désacralisions les artistes ?

Lorsque l’on arrive au studio Hebertot, c’est Anne Consigny elle-même qui vient nous accueillir devant la salle, avec une poignée de main et un petit mot pour chacun. Puis, elle discute quelques minutes avec la salle avant de s’emparer des mots du Barrage. Un moment privilégié, inattendu pour les spectateurs, mais loin d’être anodin pour la comédienne :

Discuter avec le public, je constate que ça change tout pour moi, donc j’imagine pour eux aussi. C’est un peu un rêve d’enfant que je réalise là. Désormais, j’ai l’impression que ça va être très difficile pour moi de revenir en arrière à de grandes pièces, avec des équipes de comédiens, sans aller voir le public. Là où je me sens bien, c’est avec le public. Et même pendant la représentation, cela m’aide. Une fois que je le connais, ce n’est plus pareil, je ne peux plus le lâcher, comme si c’était un public d’enfant. Et je suis très sensible au trac, alors peut-être que cette désacralisation me rassure aussi. Quand on entre en scène sans avoir vu le public avant, il en devient tellement sacré qu’il faut qu’ensuite on soit à la hauteur de ce sacré. Tandis que là, non, c’est tout simple.

Anne Consigny, plutôt conteuse qu’interprète

Cela fait maintenant 30 ans que le Barrage contre le Pacifique fait partie de la vie d’Anne Consigny. Mais cette présence s’est faite par étape, d’abord comme une lecture personnelle, puis à voix haute sous l’impulsion de Benoît Poelvoorde et maintenant comme un seule-en-scène. Désormais, la comédienne s’est emparée du roman comme personne d’autre.

Je crois que pour connaître vraiment un livre, il faudrait l’apprendre par cœur. Moi, je n’ai plus le temps de lire. Je suis prise tout le temps, notamment par Instagram ! Pour cette pièce, mon ambition suprême était de désintimider le public qui aurait peur de Duras et de la littérature, en lui disant : “si vous attrapez le roman et le lisez, vous entendrez ça.” Et le fait de voir des jeunes sortir de la pièce avec des étoiles dans les yeux, après avoir reçu aussi fort la puissance de Duras, ça me fait dire “j’ai gagné”. Mon rêve serait de faire une grande tournée en jouant la pièce le soir, comme je le fais déjà, et en plus en la jouant gratuitement en journée pour des plus jeunes, des classes. Je suis sur terre pour dire ce texte à ces gens-là.

La mère, une héroïne comme toutes les autres

Dans son adaptation du roman de Marguerite Duras, Anne Consigny s’applique à mettre au centre de sa scène deux personnages : d’abord Suzanne et puis sa mère, jamais nommée, irritable, violente, la grande perdante de l’histoire. Mais malgré tout cela, la comédienne la traite avec une infinie tendresse, lui reconnaissant le courage sans borne de lutter comme elle le fait :

Je lui apporte sûrement une attention particulière parce que je l’aime, j’ai une amie très chère que je vois en elle. Et cette amie très chère, elle est pour moi aussi le symbole de ce qu’est la femme dans ce qu’elle a de moins gâté, écrasée par des sociétés où le patriarcat est encore très fort. Et moi, je la vois comme la femme que j’admire le plus au monde. Mais aussi, je lis et j’entends beaucoup des personnes qui témoignent sur leur vie, qui sont des vies de héros, mais qu’ils ressentent comme des vies de ratés. Dans Barrage contre le Pacifique, la mère est une ratée que je considère comme une héroïne. Elle s’est tellement cassée les os et les dents face aux difficultés de la vie qu’elle en devient presque folle. Elle est d’une agressivité difficilement soutenable pour ses enfants. Mais cette femme qui a l’air tout sauf aimable, c’est une merveille. On lui doit de la regarder avec tendresse, amour et respect. Et moi, je la regarde comme ça et je la remercie d’exister dans le roman de Duras pour pouvoir parler d’elle.”

La pièce sera joué au studio Herbetot, à Paris, jusqu’au 12 janvier 2025.

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