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Adolescenti analfabeti dipendenti dagli schermi: come sbagliamo vedendo gli zombie

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Ce qu’on s’imagine souvent…

c’est que les jeunes ne liraient plus. Du tout. Que les écrans concurrenceraient la pratique de la lecture, qui s’effondrerait depuis quelques années. Pour preuve, la dernière étude du Centre national du livre en 2024, confiée à l’institut de sondage IPSOS, et ses indicateurs alarmistes : même en contexte scolaire, pour l’école ou pour leurs études, par exemple, ce qu’on appelle de la “lecture contrainte”, les jeunes lisent moins d’écrit qu’avant. Mais le CNL se disait aussi préoccupé par le décrochage des garçons de plus de 16 ans : un sur deux ne lirait jamais pour ses loisirs. Pis : “chaque jour, les jeunes Français consacrent 10 fois plus de temps aux écrans qu’à la lecture”... avec 19 minutes de lecture en moyenne par jour, garçons et filles, tous âges confondus… avec un effondrement tout particulier chez les plus âgés. Etonnant quand on sait, par ailleurs, que le CREDOC ou le SNL ont publié en 2024 leurs propres études, qui montrent par exemple que les jeunes destinateurs du pass culture non seulement privilégient les livres qu’ils achètent au détriment d’autres loisirs payants, mais qu’en outre ils choisissent de moins en moins de manga et de plus en plus de littérature – une catégorie massivement portée par la romance. Mieux : depuis la généralisation du pass culture, ados et jeunes adultes ont découvert le chemin d’une librairie pour pas loin de la moitié d’entre eux… et y sont ensuite retournés, sans le pass culture.

Alors qu’en fait…

le rapport à la lecture des enfants et des adolescents est plus subtil. C’est ce que démontrait le chercheur, conservateur de bibliothèques Romain Gaillard, dans une synthèse passionnante parue fin novembre 2023 sur le site AOC. Sa lecture critique des chiffres et des manières d’envisager le rapport des jeunes à la lecture est d’autant plus précieuse que les différentes études paraissent souvent se contredire. Or ce que montre Romain Gaillard est intéressant : il faut nuancer notre vision, à commencer par la concurrence des écrans sur la lecture. Plutôt qu’une génération de zombies écervelés, le chercheur spécialiste de la lecture met en évidence tout l’intérêt qu’il y a à historiciser les indicateurs, et à dépiauter au passage les manières de regarder cette question.

Prenant du recul et comparant les indices et les catégories sur le temps long, grâce à des travaux antérieurs comme ceux de la sociologue Christine Detrez, au début des années 2000 (avec en particulier “A la recherche de la lecture perdue ?”, une enquête pour le ministère de la Culture), et à ses prédécesseurs, Romain Gaillard exhume par exemple un article signé de trois sociologues, Françoise Dumontier, François de Singly et Claude Thélot, qui date de l’année 1990 et s’intitulait déjà… “La lecture moins attractive qu’il y a vingt ans”. Sans compter la grande étude de la sociologue Nicole Robine qui permet de surcroît de remonter encore le temps : “L’évolution de la lecture des jeunes d’après les enquêtes françaises. bilan 1960-1987”, publiée en 1989, donne encore du recul jusqu’aux années 1960.

Le recoupement des sources peut s’avérer complexe, explique dans le détail Romain Gaillard, qui met notamment en évidence des effets de seuil et des questions de tranche d’âge qui compliquent la lecture des chiffres. Mais surtout, tout dépend ce qu’on appelle lire, car la définition de la pratique de la lecture n’est pas stable : de quoi parle-t-on ? est-ce qu’on se base sur le temps passé, sur le nombre de livres lus, est-ce qu’on regarde ça à l’échelle d’un mois ou d’un trimestre, est-ce qu’on inclut la BD ou pas ? Pour Romain Gaillard, non seulement les générations précédentes n’étaient pas aussi portées sur la lecture qu’on se l’imagine au même âge, mais en outre, les écrans tendraient à devenir moins captivants, selon lui. Le temps de lecture hebdomadaire baisse certes de 30% en 8 ans et c’est énorme… mais le temps d’écran aussi commence à baisser sur la même période. Or dans les années 70, 80, on voyait déjà que ce n’était pas tant les écrans qui concurrençaient la lecture, mais faire du sport ou des activités manuelles, écouter de la musique, voir des amis… autant d’activités que le CNL ne mesure plus, et ne compare plus au livre… pour conclure, un peu vite peut être, que c’est de la faute des écrans.

Les refs

Les jeunes aiment-ils réellement moins lire ? par Romain Gaillard, sur le site AOC.

“A la recherche de la lecture perdue ?” L’enquête longitudinale menée par Christine Detrez pour le ministère de la Culture.

“La lecture moins attractive qu’il y a vingt ans”, par Françoise Dumontier, François de Singly et Claude Thélot.

L’Évolution de la lecture des jeunes d’après les enquêtes françaises. Bilan 1960-1987″, par Nicole Robine, publiée en 1989.

et puis aussi : l’étude IPSOS pour le CNL, “Les jeunes et la lecture en 2024”, et l’étude sur l’impact du pass culture par le Syndicat de la librairie française, publiée en 2024.

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